Comment les entreprises peuvent-elles “mobiliser” le CPF de leurs salariés ?
Les entreprises ont une carte à jouer à “mobiliser” le CPF de leurs salariés, et ce dans l’intérêt de tous.
Par Pierre Monclos – Le 21 mai 2019
Le Compte personnel de formation (CPF) est “personnel”. Nous avons un compte CPF en tant que citoyen français, comme pour notre retraite. Aussi des voix s’élèvent pour dire que l’entreprise ne peut pas “mobiliser” les crédits CPF de ses salariés.
Au sens strict, c’est vrai. L’entreprise ne peut contraindre personne à faire ainsi. Et si sur le principe nous sommes d’accord que chacun doit rester libre de dépenser ses crédits CPF comme il le souhaite, nous pensons néanmoins que les entreprises ont une carte à jouer à “mobiliser” le CPF de leurs salariés, et ce dans l’intérêt de tous.
Ainsi l’employeur peut orienter le développement des compétences de ses salariés pour anticiper les évolutions à venir, tout en les impliquant et les responsabilisant dans leur évolution professionnelle. De leur côté, les salariés disposent d’un meilleur accès à la formation. Voyons comment cela fonctionne.
1/ L’outil le plus adapté : l’accord d’entreprise
Une entreprise qui intègre le CPF dans sa stratégie de formation a la possibilité de négocier un accord d’entreprise dans lequel elle peut prévoir des co-financements, ou co-investissements, avec ses salariés. En pratique, ces accords se basent sur la mobilisation par le salarié de ses crédits CPF pour se former, selon des critères précis.
a) Le critère du temps de travail
Les formations CPF peuvent être suivies tout ou partie sur le temps de travail. L’employeur peut autoriser les salariés à se former sur leur temps de travail, par exemple à hauteur de 50% du temps de la formation, et en étant donc rémunéré pendant le suivi de la formation.
Ce n’est pas obligatoire, mais c’est souvent une mesure utilisée pour inciter les salariés qui, sinon, ne prendraient pas le temps de se former sur leur temps personnel.
b) L’abondement par l’employeur
L’accord peut définir un process d’abondement en fonction des formations suivies. Cela implique de préciser :
quel abondement et dans quelle limite (exemple : 100% d’abondement des sommes versées par le salarié, dans la limite de 2000€ d’abondement)
pour quelles compétences ou quelles formations (exemple : toutes les formations en management proposées par trois organismes de formation identifiés)
L’accord peut aussi prévoir un “abondement” avant même que la formation ne soit choisie. Par exemple, il peut prévoir que tout salarié ayant tel niveau de qualification ou de diplôme aura telle somme créditée en plus sur son compte CPF chaque année. Cette somme sera à la charge de l’employeur.
c) Le lien avec l’abondement de l’OPCO
Les OPCO ont chacun des politiques d’abondement différentes. L’accord d’entreprise peut profiter d’une politique d’abondement OPCO spécifique pour orienter ses critères. Par exemple :
Toute formation en communication écrite ou orale sera abondée par l’OPCO à hauteur de 1000€
Et
Toute formation en communication écrite ou orale sera abondée par l’employeur à hauteur de 50% des sommes versées par le salarié
2/ Les précautions à prendre
a) L’implication des représentants du personnel
Le sujet de la formation reste un sujet sur lequel le dialogue avec les représentants du personnel doit être régulier. Aussi un accord d’entreprise est préconisé. Généralement ces accords gagnant-gagnant sont issus de négociations rapides et fluides. Mais dans certains cas rares il se peut que des tensions apparaissent lorsque certaines organisations syndicales s’opposent au suivi des formations sur le temps de travail ou au principe même d’“inciter les salariés à mobiliser leurs crédits CPF dont ils disposent en tant que citoyens et non en tant que salariés”.
En cas de blocage et en l’absence d’accord d’entreprise, l’entreprise peut aussi opter pour une charte interne, qui prendra la forme juridique d’une décision unilatérale de l’employeur, possible tant que ses dispositions sont plus favorables que celles prévues par la législation en vigueur.
b) Le choix des thèmes de formation
En principe, l’employeur doit financer toute action de formation permettant au salarié de développer et renforcer les compétences “nécessaires” à l’exercice de son travail. Ces financements entrent alors dans le plan de développement des compétences.
Il faudra donc bien distinguer ces compétences de celles qui sont “souhaitables” pour l’évolution du salarié, et non “indispensables”. Ainsi on retrouve souvent les formations en langues, aux soft skills, en gestion de projet, en management, etc.
Il possible d’opter pour un entre-deux, pour les compétences qui ne sont pas facilement classables entre “nécessaires” et “souhaitables”, mais l’employeur devra financer au moins 50% de l’action de formation s’il veut démontrer qu’il a rempli son obligation de maintenir et développer les compétences de ses salariés.
c) Le choix des formations
Pour simplifier l’accès aux formations dans le cadre d’une politique CPF, il est recommandé de choisir quelques prestataires de formation en amont pour proposer une présélection de formations. Cela permet de faciliter les choses pour l’employeur comme pour le salarié.
Pour l’employeur d’une part, parce qu’il peut s’assurer de l’éligibilité au CPF des formations, vérifier la qualité des formations dispensée ou encore négocier des remises selon le volume de formations. Pour le salarié d’autre part, car son choix devient plus simple : il a un accès à un catalogue “maison” et “digeste” de formations qu’il peut suivre en mobilisant son CPF.
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