Télétravail : ce qui change pour le management
Comme la sécurité sociale belge a-t-elle réussi à mettre la majorité de ses collaborateurs en télétravail ? Comment marche une « entreprise distribuée » ?
Par Laurence Vanhée – Le 3 janvier 2017
Comme la sécurité sociale belge a-t-elle réussi à mettre la majorité de ses collaborateurs en télétravail ? Comment une PME gère le travail de ses salariés répartis en plusieurs sites ?
Extrait de la vidéo de formation : MOOC Travail Flexible
Laurence Vanhé a été DHR du ministère du travail belge. Elle nous explique, entre autres, comment la mise en place du télétravail de manière très large a transformé le ministère et le service rendu par l’administration.
Olivier Demaegdt dirige une PME, il nous explique comment une entreprise peut travailler sans avoir de bureau fixe, en étant en fait une entreprise que l’on appelle distribuée.
Entretien avec Laurence Vanhé, ex DRH de la sécurité sociale belge
Pourquoi avoir transformé le travail et son organisation au sein de la sécurité sociale belge ?
En fait, le ministère belge de la sécurité sociale était obligé de déménager. On occupait 4 bâtiments à Bruxelles, où les services était répartis et ne communiquaient pas. On arrivait à la fin de deux contrats de bail et il y avait deux bâtiments que l’on souhaitait quitter. On a donc décidé de rassembler tout le monde en un seul et unique lieu à Bruxelles.
Mais notre vraie difficulté était culturelle. Nous avions vraiment un problème d’attraction des futurs fonctionnaires qui nous auraient rejoint. Nous avions une très mauvaise image auprès du public. On avait beaucoup de problèmes de départs de collaborateurs et on savait qu’entre 2005 et 2015, 40% de la population allait partir à la retraite. Pour continuer à exister, nous en avons profité pour réinventer profondément notre culture.
Le levier du télétravail et le réaménagement du bureau ont-ils été suffisants ?
Le télétravail est venu en support d’une décision que l’on a prise qui était de dire : nous allons déménager mais nous allons en profiter pour revisiter complètement notre mode d’organisation du travail. Comme nous travaillons avec des adultes qui sont responsables, nous avons décidé de donner à chacun les libertés de s’organiser pour travailler où, quand et comme il le souhaitait.
Nous sommes donc en 2009 et nous avons décidé de partir sur un ratio immobilier qui était de 7 postes de travail pour 10 personnes. C’est ce que l’on appelle un environnement de travail dynamique. Vous venez au travail, vous n’avez pas de bureau attribué. Vous vous installez donc sur un bureau qui vous convient par rapport à la tâche que vous allez devoir faire et à côté des collègues avec lesquels vous allez devoir travailler. Et donc, quand on propose un environnement de travail où il y a moins de bureaux que de personnes, il devient nécessaire d’ouvrir le droit au télétravail.
Le télétravail est venu comme un environnement naturel de cette organisation de travail dynamique. On l’a d’abord ouvert en pilote à 90 collaborateurs avant de le généraliser à l’ensemble de l’organisation en 2009. D’abord avec un accord managérial, puis avec une perspective haute qui était de dire : on ouvre à tout le monde par défaut. On a fait l’exercice, au niveau du comité de direction, d’identifier les fonctions dont les tâches rendaient le télétravail impossible. On a d’abord challengé le fait que c’était impossible en disant : il faut modifier les procédures. Mais si c’est vraiment la réceptionniste qui doit être à son poste de travail pour accueillir les citoyens plutôt que chez elle, si c’est vraiment impossible elle n’aura pas le droit au télétravail. Mais nous allons quand même essayer d’améliorer ses conditions de travail.
Et de ce fait, nous en sommes arrivés à 92% de la population qui pouvait faire du télétravail, sur la base du volontariat bien sûr. Au bout de 4 ans, on était à 69% de la population en télétravail avec 1/3 à une journée, 1/3 à 2 journées et 1/3 à 3 journées par semaine.
Entretien avec Olivier Demaegdt, gérant de la société Un toit pour les Abeilles
Olivier Demaegdt a créé plusieurs entreprises qui ont toutes la particularité d’être des entreprises distribuées. Il n’habite pas à côté du siège social et ses salariés sont éclatés dans plusieurs endroits.
Peux-tu nous dire comment une entreprise distribuée fonctionne ?
Quand on a créé ces entreprises avec mon associé, on a tout de suite commencé par travailler chez nous. Et puis petit à petit, les salariés ont souhaité eux aussi travailler à domicile. On en est même arrivé à un point où j’ai souhaité déménager de La Rochelle à Angers, alors que mon équipe restait à La Rochelle. Mais on s’est dit que ce n’était pas cela qui allait poser problème.
Concrètement, nous avons quand même un bureau à La Rochelle pour pouvoir faire du stockage et se retrouver de temps en temps. Ce bureau est occupé le mardi et le jeudi. Mais en-dehors de ces jours là, tout le monde est chez soi avec son ordinateur et son téléphone qui sonne au domicile ou au bureau en fonction de l’endroit où on se trouve.
Et pour une entreprise de 30 salariés, comment cela fonctionne ?
Ça fonctionnait aussi, même si comme nous étions sur du développement informatique il y avait des gens qui avaient besoin de se voir souvent. On l’a plutôt conçu avec une proximité d’équipe. Ceci étant, on avait 3 bureaux. L’idée étant que les collaborateurs puissent travailler là où ils avaient envie. On avait un bureau à La Rochelle, un autre à Paris et un bureau à Angers.
Comment cela se passe pour le management à distance ?
Il y a quelque chose d’assez positif, c’est la création de fait d’une distance. Et donc c’est plus propice à la prise d’initiative pour chacun. Le défi est d’arriver à créer la convivialité. Ce n’est pas tant le monitoring de tâches ou de savoir qui fait quoi qui pose une difficulté. On arrive à le savoir en faisant des points réguliers avec les équipes. On voit très bien si elles avancent et on n’a pas besoin d’être sur leur dos pour savoir si elles travaillent.
Mais le défi c’est plutôt de savoir comment on va créer la convivialité quand on est tous à distance. Nous avons une discussion qui est toujours présente sur Skype. Et tout simplement on se dit bonjour tous les matins. Au lieu de faire le tour du bureau et de se serrer la main, on se donne des nouvelles via Skype. Cette timeline est vraiment un endroit qui sert à se dire bonjour et à se faire passer des infos sur le vif. Et c’est important d’y veiller, car la convivialité est certainement l’élément qui disparaît en premier.
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