Projet d’ANI sur la Formation professionnelle
Vers une rénovation de la loi avenir professionnel ?
Par Johann VIDALENC – Le 14 septembre 2021
De quoi parle-t-on ?
Durant le printemps 2021, les partenaires sociaux se sont rencontrés pour réaliser une évaluation de la loi Avenir professionnel datant de 2018.
L’enjeu était de pouvoir concevoir des propositions d’amélioration et de maintenir l’équilibre financier du système qui a fortement été ébranlé par le contexte sanitaire des derniers mois, mais également la montée en puissance de certains dispositifs (apprentissage et Compte Personnel de Formation (CPF) notamment).
Les partenaires sociaux ont ainsi rédigé un document de 49 propositions qui a été transmis au Ministère du Travail au début de l’été. Ce document pourrait être un préalable à la signature d’un ANI (Accord national interprofessionnel) dans les semaines à venir. Dans cette perspective, des groupes de travail paritaires se déroulent sur les mois de septembre et octobre 2021 qui pourrait aboutir à de premières annonces gouvernementales dans la foulée.
Il est à noter que la CGT n’a pas participé à ces négociations et a réalisé sa propre évaluation.
Quelle est la portée d’un ANI ?
Un ANI constitue un accord négocié au niveau national qui couvre tous les secteurs d’activité. Il constitue souvent un préalable à la création d’une loi.
En matière de formation professionnelle, cela ne constitue pourtant pas le cas général. Les derniers ANI signés (2009, 2013 et 2018) n’ont ainsi pas eu d’impact au niveau normatif.
Par ailleurs, la dernière loi “avenir professionnel” a eu pour conséquence d’intégrer la majorité des dispositifs financiers et des composantes de la formation professionnelle dans le code du travail, notamment :
l’apprentissage,
Les dispositifs de droits communs (plan de développement des compétences, CPF, Pro-A …)
Les contributions des entreprises et la répartition des enveloppes financière
Le rôle et fonctionnement France compétences,
Les certifications professionnelles
Aussi l’ANI en cours de négociation se positionne plus en proposition de modification ou d’assouplissement de la législation existante, que sur de la création normative.
Quelles propositions ?
Les 49 propositions du document de synthèse peuvent se résumer autour de 7 thématiques clés :
Encourager l’alternance ;
User de manière professionnalisante le CPF et les nouvelles modalités de parcours ;
Favoriser le développement des compétences des salariés en entreprises ;
Simplifier le système de certification pour les utilisateurs ;
Réviser le pilotage de la formation professionnelle ;
Disposer de moyens financiers supplémentaires ;
Amplifier les logiques de transition professionnelle (notamment intersectorielles).
Il n’est ici pas l’objet de détailler chacune des propositions, mais de faire un zoom sur 5 d’entre elles qui ont retenu notre attention.
Financements
Pour certaines formations CPF (hors RNCP), la validation de l’opérateur CEP (conseil en évolution professionnelle) pourrait être nécessaire. Il serait question d’expérimenter ce dispositif uniquement sur certaines formations identifiées par les branches.
Notre avis : on souhaite doper le recours au CEP qui n’est encore que faiblement utilisé par les particuliers. Si l’intention est bonne, elle pourrait en revanche rendre moins accessible le recours au CPF si son application était généralisée.
Le FNE-Formation pourrait être pérennisé avec de nouveaux critères. Il s’agirait de financer les formations en lien avec les transformations écologiques et numériques, particulièrement pour les entreprises entre 50 et 300 personnes.
Notre avis : une très bonne chose pour un dispositif qui a fait ses preuves durant la crise sanitaire. Les règles gagneront à être transparentes et appliquées uniformément sur le territoire et dans tous les secteurs d’activité.
Fiscalité
Un système d’incitation fiscale sur les dépenses formation des entreprises et de crédit d’impôt pour les individus qui autofinanceraient leur projet de transition professionnelle.
Notre avis : C’est une demande faite par le secteur depuis plusieurs années. Si elle n’est pas neutre d’un point de vue “Finances publiques”, elle permettrait en revanche un passage à l’acte plus facile pour les acteurs concernés.
Droit du travail
Légiférer sur la clause de dédit formation permettant de sécuriser l’investissement formation des entreprises. Cette clause est une clause contractuelle par laquelle le salarié ayant bénéficié d’une formation coûteuse est obligé de rester au service de son employeur
Notre avis : C’est un point sensible. Sur le papier, cela semble une bonne solution pour sécuriser l’investissement des entreprises. Il semble toutefois complexe de faire porter une contrainte économique et juridique au salarié. D’autres solutions de mutualisation du risque peuvent être plus profitables comme le recours au CPF coconstruit pour financer la formation des salariés.
Certifications professionnelles
Simplification de l’enregistrement des différents projets de certification et remise à plat du système de lien entre certification, blocs, habilitation et micro-certificats.
Notre avis : Ce sujet est crucial, car il a trait à la professionnalisation des individus et à la valeur accordée aux certifications. La reprise en main de ce sujet par France Compétences s’est accompagnée d’un changement de paradigme, avec des règles de dépôt plus contraignantes, parfois peu lisibles, même pour les certificateurs historiques. Le sujet est aujourd’hui très lié aux sources de financements, notamment du CPF.
Quelle temporalité ?
Il apparaît plausible qu’un ANI soit conclu avant la fin de d’année 2021. Néanmoins, au regard des prochaines échéances électorales, notamment l’échéance présidentielle, il semble peu probable que cela se traduise à court terme en modification de la loi.
L’ANI éventuel aura donc plutôt vocation à être une feuille de route pour le candidat et le parti politique qui sortira vainqueur des futures élections. Ces derniers disposeraient en effet d’un accord issu d’une forme de consensus. Cela leur permettrait de procéder à une reprise intégrale des propositions ou à d’éventuels arbitrages et aménagements. La mise en œuvre de ces futures dispositions semblent difficilement envisageables avant début 2023. Même si généralement la rentrée de septembre qui suit la présidentielle donne déjà lieu à des réformes en droit social qui impactent aussi la formation professionnelle.
De plus, il est tout à fait possible que certains points spécifiques de l’ANI (sur le CPF ou l’apprentissage par exemple) nourrissent des décisions du gouvernement dans les semaines et mois à venir…
Chez Unow, nous restons mobilisés sur le sujet et vous informerons de l’avancement du sujet.
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